Culture G.

Sauver le monde : un thème, deux films

Je vous écrivais, lors de ma critique du film Rabbit Hole, que je faisais du rattrapage cinématographique des films sélectionnés aux Oscars en février 2011. J’ai donc vu deux films qui faisaient compétition à Incendies de Denis Villeneuve : In a better world (Haevnen) du Danemark (ayant remporté la statuette) et Biutiful de l’Espagne. Branchez-vous sur Netflix et admirez le jeu des acteurs.

In a better world (Haevnen)

In a better worldAvez-vous remarqué l’orthographe du mot danois « Haevnen »? Ne trouvez-vous pas que cela ressemble à « Heaven » qui signifie « paradis » en français? Eh bien détrompez-vous, heavnen se traduit par « vengeance ». Dans le film portant ce titre, un médecin suédois du type « sans frontières » fait tout dans un pays du continent africain pour respecter le serment d’Hippocrate (considéré comme le principe de base de la déontologie médicale). Son épouse, dont il est séparé, est médecin aussi au Danemark et l’un de leurs deux fils, Elias, est victime de taxage à l’école parce qu’il porte des broches.

Un autre garçon du même âge (12 ans), prénommé Christian, vient de perdre sa mère d’un cancer : il en veut à la Terre entière, et tel un volcan en dormance, il réprime sa colère. Son père voyage beaucoup pour affaires, mais même lorsqu’il est physiquement présent, il est perdu dans son deuil.

Ces deux garçons vont se lier d’amitié et refuser la morale biblique « si on te frappe sur une joue, présente l’autre » que tente de leur inculquer le bon docteur/papa d’Elias. Je regardais ce dernier et je me disais : « mon Dieu qu’il veut sauver le monde ». Mais où est la limite? Quand se défend-t-on? Depuis quand endurer l’injustice passivement fait-elle partie de la morale? Ou de façon plus crue : Quand se venge-t-on parce que cela suffit? C’est Christian, dans son univers d’enfant, qui tire la ligne mais qui devra aussi en subir les conséquences…

Biutiful

BiutifulJavier Bardem interprète le rôle d’un père, Uxbal, qui porte le poids du monde sur ses épaules. Il finance des entreprises illégales impliquant drogues et travailleurs clandestins; il a la garde de ses deux enfants parce que leur mère est totalement instable et il vient d’apprendre qu’il est atteint d’un cancer incurable!

« Quand une question fut posée à propos de l’aspect «déprimant» du récit, le réalisateur Alejandro Gonzàlez Iñarritu a répliqué que cette perception était due au fait que les humains, malgré les apparences, ne savent plus communiquer. Ni vivre l’intimité. » Marc-André Lussier danss La Presse (entrevue à Cannes en mai 2010)

Néanmoins, malgré de bonnes intentions, il doit se rendre à l’évidence et affronter le fait qu’il ne peut pas sauver le monde. À savoir : assurer un avenir meilleur pour ses deux jeunes enfants, mais comment? Et en même temps, il tente de rescaper la mère irresponsable de leurs enfants. Au Québec, les traitements que celle-ci inflige à ses petits – qui sont aussi la chair de sa chair – seraient considérés comme un cas de DPJ. Sans oublier son souci de vouloir aider une amie, mère célibataire… Cependant, devant son urgence de réorganiser la vie de tous et chacun pendant qu’il est encore temps, toutes ses (mauvaises) décisions prises à court terme provoquent des conséquences qui lui explosent au visage…!

Les deux enfants du premier film (Marcus Rygaard et William Jøhnk Juel Nielsen) et le protagoniste (Javier Bardem) du deuxième, sont fabuleux dans ces deux films. On peut discuter et ne pas comprendre la raison qui a poussé les membres de l’Académie à donner l’Oscar du meilleur film étranger à In a better World (Haevnen)… Toutefois je vous laisse avec la pensée suivante, qui me suit et ce, bizarrement depuis 2010 et résume ces deux histoires:

Yesterday I was clever.
That is why I wanted to change the world.
Today I am wise.
That is why I am changing myself.

Sri Chinmoy

Traduction libre de ma part ici:

Hier j’étais intelligent
C’est pourquoi j’ai voulu changer le monde
Aujourd’hui je suis sage
C’est pourquoi je me change moi-même

 

Critiques du film In a better world (Haevnen):
Marc-André Lussier dans La Presse
Odile Tremblay dans Le Devoir
Fiche imbd du film In a better world (Haevnen)
Fiche imbd du film Biutiful