En février dernier, peut-être étiez-vous rivés à votre écran afin d’admirer les athlètes aux Jeux Olympiques de Sotchi… Difficile en effet de faire sa place au soleil alors que les yeux de la majorité de la population planétaire sont tournés vers une station balnéaire recevant les Jeux d’hiver. Je vais m’abstenir de tout commentaire éditorial supplémentaire à cet effet. Je reviens donc à mes moutons, puisque pendant les JO, se tenait la 64e Berlinale. Ce festival de films se tient en Allemagne depuis 1951 et le vainqueur est couronné de l’ours d’or.
Cette année, l’ours d’argent et grand prix du jury, a été remis à un film que je vous recommande chaudement, et qui est encore présenté en salle : The Grand Budapest Hotel. Le réalisateur, Wes Anderson, nous offre une sucrerie, comme un Ferrero-Rocher, à plusieurs couches, mais qui cependant laisse un arrière-goût doux-amer. Ce film est librement inspiré d’œuvres de Stephan Zweig, un auteur austro-hongrois juif s’étant suicidé à 60 ans. L’histoire du film est campée dans l’entre-deux-guerres. On assiste peu à peu à l’avènement de la noirceur et de la terreur nazi qui prend sa place dans cette Europe de l’Est ultra colorée et parfumée à l’eau de toilette.
Nous sommes en 1985, dans une République inventée de l’Europe de l’Est. Le propriétaire de l’hôtel Grand Budapest livre les détails de sa vie depuis ses débuts comme « Lobby Boy » à un client interprété par Jude Law. Ce Lobby Boy, prénommé Zero, détaille son récit en laissant la plus grande place à son mentor Monsieur Gustave, le concierge de l’hôtel, interprété par Ralph Fiennes. Ce M. Gustave aime s’enticher de dames âgées, qu’il traite d’ailleurs aux petits oignons; jusqu’au jour où ce que l’une d’entre elles meure en lui léguant une peinture de grande valeur. Bien sûr, un héritier s’empressera d’accuser Gustave de l’avoir volée.
Selon Eric Moreault, » Le personnage de Gustave H. incarne les manières raffinées et civilisées de cette époque qui s’étiole et qui succombe bientôt aux élans violents de la barbarie. On pourrait dire la même chose du déclin de l’hôtel Grand Budapest, qui est d’ailleurs envahi par les militaires qui y jouent du fusil comme dans un mauvais western. Les pirouettes fantaisistes de Gustave H. – un humour décalé, frisant l’absurde, mais néanmoins très drôle – servant de paravent au drame qui s’y joue en toile de fond. »
Coloré, vif et doux-amer
Nous sommes témoins de cette amitié entre Gustave et son protégé Zero. Vient s’y greffer l’histoire d’amour entre Zero et la belle pâtissière Agatha et de la poursuite par un tireur à gages embauché par l’héritier qui veut ravoir son tableau! Pensez à une bande dessinée dans laquelle l’hôtel rose pourrait être le manoir ayant sa place près de la maison en pain d’épices d’Hansel et Gretel, où le bleu poudre servirait à maquiller des paupières de poupées de porcelaine et où les pâtisseries peuvent être présentées au concours du Meilleur Ouvrier de France!
En somme, le réalisateur nous présente la déchéance dans laquelle s’enfonce la Grande Europe, déchéance causée par la guerre. Malgré un énième film sur ce sujet, tout réside dans la manière de le présenter et il faut se laisser emporter par l’univers insolite de Wes Anderson et de ses histoires rocambolesques. Les scènes se déplacent à la vitesse grand V et j’y ai apprécié l’inventivité des décors hauts en couleurs, les scènes extravagantes et à les personnages jubilatoires…Une façon Andersonnienne de m’inventer – l’espace d’un moment – un rayon de soleil de printemps qui se laisse désirer parfois !
Ce qu’en disent les critiques:
Odile Tremblay dans Le Devoir
Martin Bilodeau dans Le Devoir
Marc-André Lussier et Eric Moreault dans La Presse