Pour les cinéphiles qui, comme moi, carburent aux nombreux festivals qui font vibrer la métropole, Vues d’Afrique est un incontournable, une chance unique de découvrir une centaine de films du continent africain ou des pays créoles, rarement distribués en salles chez nous. S’il demeure un événement nécessaire qui nous émeut en nous racontant les drames humains que ne dépeignent que trop peu souvent les médias québécois, il nous fait aussi rire à gorge déployée avec ses comédies désopilantes venues d’ailleurs. Une belle façon de se réchauffer le cœur, alors que le printemps se fait attendre.
Pour vous inspirer, j’ai demandé au parrain de cette 29e édition de Vues d’Afrique, le journaliste et animateur François Bugingo, quels étaient ses coups de cœur. Des longs métrages à découvrir du 26 avril au 5 mai à Montréal.
Les Kinshasa Kids du film de Marc-Henri Wajnberg font partie des 30 000 enfants accusés de sorcellerie, puis rejetés par leur famille en République démocratique du Congo. Ils tentent de reprendre leur vie en main en formant un groupe de rap. « J’ai vraiment été séduit par cette œuvre! C’est tellement réaliste! On en ressort indigné, mais aussi rempli d’empathie pour ces gamins de la rue de Kinshasa », raconte François Bugingo. Un long métrage où s’entremêlent l’amour de l’art, la revendication et la survie.
Dans Deported de Rachèle Magloire et Chantal Regnault, on braque plutôt les projecteurs sur les jeunes nord-américains qui sont expulsés vers Haïti après avoir purgé une peine de prison. « Lorsqu’un jeune homme arrivé ici il y a un an est déporté, il n’y a pas de problème. Mais lorsqu’on expulse un membre de gang de rue qui a vécu presque toute sa vie ici, c’est une toute autre réalité. Haïti, ce n’est pas chez lui! Il se retrouve totalement plongé dans l’inconnu, explique le parrain du festival. Voilà un document bouleversant qui déchire le cœur. »
En 1975, année où le Mozambique devient indépendant, le gouvernement choisit d’éliminer toutes les traces de la colonisation de son territoire, y compris la prostitution. Des centaines de travailleuses du sexe sont alors envoyées dans des camps pour être « rééduquées ». Virgin Margarida de Lucinio Azevedo nous présente ces femmes prostituées qui, après une révolution communiste, laissent tomber leur boulot pour des métiers de bras, s’exclame François Bugingo. C’est un film complètement capoté! »
Le parrain de Vues d’Afrique se réjouit de l’ajout d’œuvres du Maghreb à la programmation. Parmi celles qui ont capté son attention, Même pas mal de Nadia El Fani et Alina Isabel Pérez, sur le double combat de El Fani contre les islamistes qui ont mal accueilli son long métrage Laïcité, Inch’Allah, mais aussi contre le cancer. Également, Les mécréants de Mohcine Besri sur l’enlèvement d’un groupe de comédiens par de jeunes islamistes. Isolés, les hommes des deux camps seront appelés à cohabiter, à discuter et, on le devine, à s’affronter.
Pour les cinéphiles férus d’histoire, le journaliste, qui a travaillé dans plus d’une cinquantaine de pays, propose les portraits de trois personnages essentiels du continent africain. Il avoue d’emblée un faible pour le film Roger Milla, les quatre vies d’une légende d’Alain Fongue : « Ce joueur de soccer camerounais est une de mes idoles! Cet homme a marqué des buts contre l’Angleterre à 40 ans! C’est l’illustration parfaite de l’Afrique qui est sans âge. » Il suggère également le long métrage de Christophe Cupelin Capitaine Thomas Sankara, qui raconte la vie du président porté au pouvoir par un coup d’État au Burkina Faso en 1983 jusqu’à son assassinat quatre ans plus tard. Et les plus artistiques voudront (re)découvrir le document sur Angélique Kidjo signé par la correspondante Sophie Langlois, d’abord diffusé à l’émission Une heure sur Terre à Radio-Canada. Cette chanteuse originaire du Bénin est aussi talentueuse qu’engagée, partageant son temps entre ses spectacles, son rôle d’ambassadrice de l’UNICEF et sa fondation qui aide les jeunes africaines à poursuivre des études.