Je ne suis pas comme elles. Et des fois, je les envie. Je parle de ces mamans qui s’émerveillent d’un rien, qui s’accomplissent à travers leurs enfants ou qui, dans la maternité, se révèlent à elles-mêmes. Je suis plutôt pudique quand il s’agit de ma vie familiale et je ne verbalise que peu, dans mes conversations amicales, les sentiments que j’éprouve pour mes enfants.
Accoucher de la culpabilité
Entre filles, on partage beaucoup nos expériences et j’ai souvent constaté que ma façon de voir les choses détonnent du discours habituel du genre « mes enfants sont la plus belle réussite de ma vie » ou « je suis tombée en amour avec mon enfant à la minute où je l’ai vu ». Pas de fusion en vue pour moi. J’ai raté le bateau…
Suis-je une bonne mère? J’imagine que vous allez me le dire. Les femmes adorent se juger entre elles. Mais en réalité, je n’en ai pas besoin. Dans cette chambre d’hôpital, je n’ai pas juste accouché d’un enfant. J’ai aussi accouché de la culpabilité. Je l’ai nourri à mon sein comme je l’ai fait pour mon enfant. Je me compare, je trouve que l’herbe est toujours plus verte chez le voisin ; je lis et je me rends compte que je fais pas tout ce qu’il faut comme dans les livres et que je vais donc devoir payer le psy pendant des siècles à mes enfants pour tout le tort que je leur aurait causé! Puis au final, je ris. Pas mal. Parfois jaune et d’autres fois d’un rire franc. Un pied de nez à cette société de performance qui exige de moi d’être parfaite dans toutes les sphères de ma vie. La maternité m’a beaucoup appris. Surtout sur mes limites. La vie m’a donné un enfant à qui enseigner et un autre pour m’enseigner : ma fierté et mon défi. Mon rôle, c’est de les accompagner dans la vie car ils ne m’appartiennent pas. Mon rôle, c’est aussi d’écouter ce qu’ils ont à me dire, à m’apprendre. En parlant d’apprendre, on apprend l’humilité. Ce n’est pas tous les jours facile mais jamais je n’ai même songé baisser les bras.
Aimer avec les gestes, aimer avec les mots
S’il est naturel, évident pour moi d’agir pour ce que je juge être le bien de mes enfants et de les défendre comme une lionne, c’est bien la première fois que j’exprime tout haut mes émotions. Ne vous méprenez pas : j’ai plein de gestes de tendresse et d’affection pour mes enfants…en privé. Je parle davantage par gestes que par mots. Oui, moi la communicatrice! Ceci dit, il y a toujours ce petit je ne sais quoi qui fait en sorte que je n’ai vraiment pas hâte à la fameuse question : « Maman, m’as-tu désiré? ».
La vérité, c’est que mes enfants sont arrivés bien plus tôt que je ne le pensais. Je ne me sentais pas prête. Je devais me marier l’été suivant. L’un après l’autre, ils sont arrivés sans crier gare. Non, je ne me baladais pas nue et je ne suis pas tombée par hasard sur un zizi sauvage! Néanmoins, quand tu fais la même affaire pendant 7 ans, tu ne t’attends pas à tomber en cloque pour autant. Bref, le jour où j’ai su, j’ai pleuré. Beaucoup. Longtemps. Trois mois, je crois. On m’a demandé si j’avais pensé à avorter. Ce n’était pas envisageable pour moi. Pas à mon âge et dans ma situation, non. Est-ce normal de se sentir ainsi? Je n’en sais rien.
Il n’en demeure pas moins que je me suis longtemps sentie coupable, honteuse. Aujourd’hui, je peux le dire : non, je n’ai pas désiré mes enfants mais j’ai choisi de les garder. J’ai vécu mes grossesses non pas comme un événement heureux mais comme le deuil d’une vie sans contraintes. Quand ils sont nés, je n’ai pas ressenti cet amour inconditionnel. J’ai appris à les connaître et à les aimer. Ma vie n’a jamais plus été la même mais jamais je ne reviendrais en arrière car maintenant, je sais ce qu’est le vide.
Aujourd’hui, je me dis que tout ce qui compte, c’est que je les aime. Plus que tout. Sans même y penser. Toutes mes énergies sont utilisées à en faire des enfants heureux et épanouis pour qu’ils deviennent des adultes heureux et épanouis. Désirés ou non, ces enfants sont aimés autant que je puisse aimer. Peut-être pas comme ils le voudraient mais du mieux que je peux et de tout mon cœur.Parce que la vraie question au fond, n’est pas tant de savoir si j’étais prête ou non à jouer le rôle de maman avant qu’ils ne soient conçus mais si, maintenant qu’ils sont là, je peux le jouer pleinement. À cette question, je réponds OUI, très certainement!
Je crois bien que c’est ce que je leur dirais…s’ils me posent un jour la question.