Ne vous en déplaise, je persiste et signe : l’allaitement n’est pas chose facile pour toutes. Dans mon dernier article (Allaitement : les revers de la médaille) que je voulais un brin humoristique, j’ai parlé des petits inconvénients qui pouvaient venir avec l’allaitement. Cela n’enlève rien au fait que l’allaitement maternel est le meilleur aliment pour bébé, pas plus que ça n’a pour but de dissuader les mères d’allaiter, que par ailleurs, je considère assez intelligentes pour diversifier leurs sources d’information. C’était juste une façon de dire que, comme toute chose, il n’y a rien de parfait dans la vie. J’ai essuyé plusieurs réactions vives (et, soyons honnête, hostiles) qui m’ont donné envie de vous en parler encore en revenant sur certaines « vérités ». Je le répète, je suis pro-choix. J’ai moi-même expérimenté le biberon pour mon premier bébé et j’ai allaité mon deuxième pendant sept mois. Il ne devrait pas y avoir de sujet tabou. Aussi merveilleux que soit l’allaitement et aussi nombreux soient les bénéfices pour la mère et l’enfant, cela reste à la mère de décider. Ce point-là fait d’ailleurs l’objet d’un article intéressant dans The Globe and Mail.
Allaiter : une capacité féminine
S’il y a bien une chose qu’on me répète souvent, c’est qu’allaiter, c’est naturel. Certes, les femmes sont conçues pour produire du lait et c’est le cas de la majorité selon les études sur le sujet. Si la Nature est bien faite, elle n’est cependant pas parfaite. L’insuffisance de lait « primaire » est relativement rare puisqu’elle est estimée à moins de 5 % aux dires du Dr Gisèle Gremmo-Feger, pédiatre et consultante en lactation dans son article pour la revue Co-naître. Les femmes ayant subi des chirurgies mammaires ou vivant avec certaines anomalies anatomiques congénitales sont plus à risques selon ce même docteur. Quand on sait que le nombre de chirurgies mammaires (surtout à des fins esthétiques) ne cesse de croître dans le monde, il est raisonnable de penser que les statistiques du Dr Gremmo-Feger ( qui datent de 2004) sont possiblement en croissance.
Au delà de l’insuffisance de lait dite « primaire », on suppose toujours que la lactation est un mécanisme bien huilée. C’est en général vrai, la mère produit en fonction de la demande. Cependant mesdames, notre corps a besoin de 4 à 6 semaines d’ajustements pour »calibrer » la machine afin qu’elle produise ce qui est nécessaire à bébé. Mais la « machine » en question a quand même besoin d’un environnement propice pour que le calibrage soit optimal : tétées suffisamment fréquentes, suffisamment longues, etc. Et oui, tout ne dépend pas de nous. Il faut que bébé y mette du sien. D’où cette fabuleuse idée de réveiller bébé s’il dort trop longtemps pour le nourrir. Moi, personnellement, jamais je n’aurais réveillé un de mes enfants s’il m’avait fait l’immense plaisir de dormir plusieurs heures d’affilée ! S’il dort, c’est qu’il en a besoin et s’il ne réclame pas le sein, c’est qu’il n’a pas faim (ça, c’est mon interprétation de mère). Alors, oui, il est possible que ça nuise à ma production de lait mais le sommeil, je ne peux pas lui en acheter. Malgré des conditions optimales et un bébé qui collabore pleinement, il arrive que notre corps soit généreux et produise plus que les besoins de notre petit. Qu’il s’agisse d’une sur-stimulation, que la Nature nous aie ainsi faite (et oui! La médecine ne peut pas encore tout expliquer!), peu importe. De façon empirique, j’ai constaté, à travers différents témoignages de mères, que certaines avaient du lait plus que nécessaire. Il y a des pays comme la France qui ont su en tirer profit en mettant en place des structures comme le lactarium qui permet à des prématurés de bénéficier des bienfaits du lait maternel et c’est tant mieux.
Allaiter : une activité aussi vieille que l’humanité
Vous savez ce qu’on a depuis la nuit des temps et qui tend à disparaître ? Les dents de sagesse! Et oui, nous sommes supposés avoir 32 dents dans la bouche. Pourtant, une partie de la population n’a aucune dent de sagesse et certaines personnes n’en ont qu’une, deux ou trois sur les quatre possibles. Quelque soit cette variabilité individuelle, il n’en demeure pas moins que les dents de sagesse se font plus rare dans les sociétés industrielles actuelles.
Différentes hypothèses ont été émises pour expliquer cette observation, dont celle du facteur évolutif. Que ce soit en raison de l’inutilité de ces molaires (hypothèses de la disparition des organes atrophiés) ou de leur disparition en raison du changement de notre mode alimentaire, le résultat est le même : l’être humain s’adapte au fil du temps. La question que je me pose est la suivante : serait-il possible qu’il en soit de même avec l’allaitement ? Notre mode de vie (dans de nombreux pays les mères n’ont pas plus de 3 mois de congé), la présence d’autres moyens de nourrir nos bébés ne contribueraient-ils pas à l’insuffisance de lait chez certaines mères ? Bien que n’ayant pas fait l’objet de recherches approfondies, le stress est considéré comme une des causes théoriques de l’insuffisance de lait dite « secondaire ». Aujourd’hui, le rythme de vie est complètement fou et le stress est la maldie du siècle. On répertorie de plus en plus de maladies liées au stress. Serait-il si surprenant que le stress affecte notre capacité à produire du lait quand on sait que l’occytocine permet l’éjection du lait et que le stress est un facteur inhibiteur ? Newton a montré en 1948 que le stress psychologique ou la douleur diminuait la production de lait. Depuis, il n’y a pas eu grandes avancées sur la question mais cette dernière demeure… (en suspens!)
Allaiter : une fonction primaire (animale)
Dire que l’allaitement est naturel fait également référence au monde animal, à cet instinct qui les animent et qui les poussent à protéger leur progéniture, les allaiter et en prendre soin. Cependant, même dans le monde animal, l’instinct maternel peut faire défaut. Par exemple, le mouton est l’espèce chez laquelle les cas de comportement peu maternel voire d’absence de comportement maternel sont les plus abondantes selon la filière ovine et caprine. En l’absence de comportement maternel, on remarque fréquemment une grande agressivité de la mère envers son agneau. Elle se traduit par des attaques pouvant s’avérer mortels. Je cite l’exemple du mouton mais ce comportement se retrouve également chez d’autres animaux domestiques et sauvages. J’exclue bien sûr les cas où la mère (vivant à l’état sauvage) rejette son petit suite à une intervention humaine.
Je vous ai fait part de ma réflexion. Quelle est la vôtre sur le sujet? Défendez-vous avec passion une position ou êtes-vous de celles qui disent que tout existe dans la Nature et que chacun est libre de faire comme il l’entend?