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« The Clock » au Musée d’art contemporain : un travail d’orfèvre

 

The Clock de Christian Marclay
The Clock de Christian Marclay
Photo officielle

En 2006, dans le cadre de la série « Contact, l’encyclopédie de la création » Stéphan Bureau a interviewé certains des plus grands créateurs de notre temps, dont Jacques Attali. Je me souviens des sabliers de ce dernier. Il les collectionne et en a même écrit un livre « Mémoires de sabliers », dans lequel il trace l’histoire de leur fabrication, plus que du rapport au temps.

Ces jours-ci, et jusqu’au 20 avril, vous pouvez voir l’œuvre The Clock de Christian Marclay, au Musée d’art contemporain de Montréal. Il s’agit d’un film de 24 heures dans lequel vous verrez des extraits de films présentant des horloges, des montres, des cadrans digitaux, bref tout pour vous indiquer l’heure, mais pas de sablier…

Je me suis assise dans la grande salle où 15 causeuses sont installées. J’ai eu la chance de pouvoir m’asseoir dès mon arrivée à 17h30. Il est possible de rester debout ou de s’asseoir à terre pour voir ce film sans début ni fin. Imaginez : Christian Marclay a réalisé un montage extraordinaire de milliers d’extraits de films afin de nous présenter son cadran « perpétuel ».

Il était donc 17h30 à ma montre et à l’écran. Pour chaque minute, vous apercevez des extraits plus ou moins longs de films dans lesquels on voit l’heure. Si vous vous êtes toujours demandé ce que la catégorie « Meilleur montage » voulait dire aux Oscars, allez voir « The Clock » et vous comprendrez. Les extraits sont soigneusement choisis afin de créer une harmonie certaine, comme dans une symphonie. Par exemple: vous voyez Anthony Hopkins assis dans une salle de concert faire un clin d’œil à… Louis de Funès, chef d’orchestre! À un autre moment, un homme est pendu et à l’instant où la planche de bois est retirée sous ses pieds, il tombe dans l’eau… et l’on voit un missile sortir de la mer! Vous verrez des extraits de Citizen Kane et Clue, MacGyver et Jim Carrey avec le visage vert dans The Mask et vous tenterez de ne pas rire quand Peter Sellers essaie d’ajuster l’heure à sa montre!

Un travail méticuleux qui vaut le déplacement

Plus que tout et avant tout, Marclay a réalisé un véritable travail d’orfèvre. Pendant 3 ans, en compagnie de six collaborateurs qui regardaient des films et lui trouvaient des extraits, il a fait le montage de son film. Ses efforts furent récompensés par le Lion d’or en 2011 à la Biennale de Venise.

Le 7 mars dernier, Patrick Masbourian, dans le cadre de son émission radiophonique PM, a présenté une entrevue avec Marclay. Ce grand artiste parle français. En effet, bien que né en 1955 en Californie d’une mère américaine, il a grandi à Genève, en Suisse, pays de son père. Cette entrevue avait été enregistrée il y a quelques années, et en voici un extrait :

Le son joue un rôle très important parce que c’est un peu la colle, ça soutient, on peut facilement passer d’un vieux film en noir et blanc à un film contemporain en couleur, alors il y a un saut visuel. Si la bande-son soutient ces 2 extraits, on a presque l’impression d’être dans le même film.
Entrevue de M. Marclay, Radio-Canada

J’ai aussi lu, après mon départ du visionnement à 20h30, une entrevue donné à Éric Clément dans La Presse :

Des fous sont restés pour essayer de tout voir. Ce n’est pas un marathon. On a aussi une vie en dehors du film! Ces choix que vous allez faire quant à l’instant où vous allez voir The Clock sont des choix personnels. Vous devenez acteur dans le cadre de cette installation. Dois-je partir maintenant? Attraperai-je mon autobus à l’heure si je reste encore cinq minutes? Ces questions sont importantes, car elles vous engagent dans ce mécanisme.
Entrevue de M. Marclay, LaPresse

Aussi, à lire, le texte de Frédérique Doyon dans Le Devoir.

Présenté jusqu’au 20 avril au Musée d’art contemporain

Effectivement, je devais quitter; le pont Mercier fermait à 22h! J’étais donc engagée dans ce « mécanisme » sans le savoir. Plus qu’une remarquable œuvre détaillée et qu’un montage superbe, on sort de la salle en se questionnant sur notre rapport au temps. Comme je me plais à le dire souvent, « le temps n’arrange PAS les choses. Le temps passe, c’est ce que l’on fait dans l’espace-temps qui compte. »

 

Tous les détails sur The Clock

  • Les détails sur le site Internet du MACM
  • 14$ pour l’admission (L’oeuvre The Clock est présentée au Musée d’art contemporain de Montréal pendant les heures d’ouverture régulières du Musée.) La capacité de la salle est de 80 personnes (incluant 45 places assises).
  • L’admission dans la salle de visionnement se fait sur la base du premier arrivé, premier servi.

Exceptionnellement, des présentations en continu, pendant 24 heures, auront lieu les :

  • vendredi 4 avril à 11 h au samedi 5 avril à 18 h
  • samedi 19 avril à 11 h au dimanche 20 avril à 18 h