Maman Maman et Bébé

Allaitement et sexualité : une question de perception?

Oeuvre de Moajick sur Drawin.fr

Suite à la publication de l’article Allaitement : le revers de la médaille et aux commentaires reçus, je me permets d’aborder plus en profondeur un des deux principaux éléments que je n’ai fait qu’effleurer: la sexualité et l’allaitement. Au-delà de nos changements physiques, hormonaux et émotionnels, j’aimerais parler de nos perceptions face à la dualité du sein érotique et du sein nourricier. Encore une fois, le but n’est pas de décourager les mères d’allaiter mais plutôt de montrer un aspect qui est moins souvent discuté.

En Europe et en Amérique du Nord plus particulièrement, la poitrine est un objet de désir comme peuvent l’être les jambes d’une femme en Afrique de l’Ouest par exemple ou historiquement, la chevelure dans les pays du monde arabe. Elle est source de fantasmes, de tabous et aussi de complexes. L’importance que les femmes lui accorde est notable puisque selon une enquête d’Option Consommateurs, Santé Canada estimait il y a déjà une dizaine d’années que 100 à 200 000 Canadiennes porteraient des implants mammaires. Au Québec, plus de 5 000 femmes auraient recours à cette chirurgie par année, pour des motifs essentiellement esthétiques selon cette même enquête datant de 2002. Dans ce contexte, l’allaitement peut-il malgré tout être érotique?
C’est une question que chaque couple devrait se poser. Si je parle de couple, c’est parce que la femme a sa façon de percevoir son corps et de vivre sa sexualité mais il faut également prendre en compte le regard de son conjoint, qui peut être différent.

Mère et/ou amante : c’est selon chacune

Si à l’instar de Jamie Lynne Grumet (celle qui a fait la une du magazine Time allaitant son enfant de trois ans), vous êtes de celles qui affirment que l’allaitement prolongé ou le « co-dodo » n’ont aucun impact sur la vie de couple, tant mieux pour vous! Ceci étant dit, ce n’est pas vraiment à vous que s’adresse ce texte, vous vous en doutez.

Marie Thirion disait, dans son article intitulé Maternité, sexualité, allaitement, « En termes de nature, les femelles de mammifères ont la fonction biologique de nourrir les petits en privilégiant leur survie, refusent toute sexualité pendant la lactation ». L’Homme ne se résume bien évidemment pas à cette spécificité mais elle représente la réalité de plusieurs d’entre nous. En effet, il y a des femmes qui s’enferment dans une bulle avec bébé, ne laissant aucune place à l’amante. La prolactine renforce l’attraction de la mère vers son nouveau-né et l’ocytocine permet tendresse, partage et plaisir, favorisant ainsi l’attachement. Il est donc compréhensible qu’avec ce bagage hormonal, l’attention maternelle soit centrée sur l’enfant…et que le couple puisse en pâtir. Aussi, il y a des hommes pour qui allaitement et sexualité ne vont pas de pair et attendent la fin de l’allaitement pour solliciter à nouveau leur femme.

Du côté de celles qui perçoivent clairement leur poitrine comme une zone érotique plutôt que nourricière, il est fort probable que la période d’allaitement sera plus courte ou qu’elles choisiront le biberon. Michaëla Bobash, dans son article intitulé L’Art de l’allaitement maternel avait écrit la chose suivante pour conclure : « Enfin, le choix entre l’allaitement et le biberon est une affaire de couple. « Si la femme considère davantage le sein comme un objet érotique que nourricier, elle ne doit pas céder à la mode bio-lolo », conclut Patricia Giglia. Mieux vaut donner le biberon avec plaisir que le sein à contre cœur ». Tina Karr, mère de trois enfants et auteure québécoise a d’ailleurs publié un témoignage bien intéressant que je vous invite à lire :  » mes seins m’appartiennent« .

Ce qui plaît et ce qui plaît moins : une question de goût

Notre estime personnelle peut être affectée par le changement physique en plus du changement de fonction de notre poitrine. Si certaines sont heureuses d’avoir changé de taille de bonnet, des seins plus lourds (et oui! La gravité fait son effet) ne sont pas pour plaire à toutes et à tous. Les femmes pudiques peuvent être incommodées par les regards qu’ils suscitent. Il est compréhensible dans ce contexte qu’allaiter en public par exemple ne soit pas vraiment envisageable. Enfin, puisque les seins coulent du fait de l’ocytocine (hormone également présente durant l’orgasme), la relation sexuelle peut provoquer des réactions diverses : dégoût de l’homme face au débordement de lait (ou au contraire excitation) gêne de la femme face à cette réaction naturelle (ou au contraire fierté); tout ceci pouvant influencer la fréquence des actes sexuels subséquents.

Nous avons toutes notre grille de lecture à travers laquelle nous percevons le monde. Elle est influencée par notre culture, notre éducation et de nombreux autres paramètres. Ne jugeons pas les femmes qui font des choix différents des nôtres même si nous ne les comprenons pas.